David est excellent. Son patron me dit qu’il est incroyable. Lorsqu’il est chez des clients, il a une capacité d’adaptation à son environnement qui est étonnante. Avec une facilité déconcertante, il comprend les besoins du client et trouve les moyens d’y répondre.

David a 29 ans, il est commercial dans une entreprise industrielle. Quand je l’ai rencontré, j’ai détecté chez lui un vrai talent pour évoluer dans le monde concret. L’outil que j’utilise qualifie son élan de « bâtisseur défonceur ».

Son talent est de développer une capacité extrêmement forte pour s’empoigner avec le monde réel et le transformer. Il est très pragmatique, procède par expérimentation et cherche avant tout l’efficacité. Il agit avec force et dans la durée pour atteindre un résultat solide et durable.

Grâce à ce potentiel, David a d’excellents résultats et après quelques années dans l’entreprise, il finit naturellement par demander à son patron une promotion.

Le service commercial dans lequel il évolue compte 4 personnes qui reportent toutes directement au patron de la PME. David demande à devenir le responsable du service.

Son patron est sur le point de donner son accord mais il a encore un petit doute qu’il souhaite lever. Il me demande alors mon avis.

Je commence par reconnaître que la demande de David est tout à fait légitime. Non seulement David a d’excellents résultats mais son comportement est aussi irréprochable. Il est dévoué à son entreprise et il est normal que celle-ci reconnaisse sa contribution.

Pourtant, je pressens un risque.

Le talent de David peut se résumer à l’efficacité. C’est le champion de l’action efficace. J’imagine alors son comportement s’il devient responsable du service avec 3 personnes sous sa direction :

  • Comme sa motivation première est l’efficacité, David va vraisemblablement rapidement mettre beaucoup de pression sur ses collaborateurs pour qu’ils atteignent la même efficacité que lui. Cela sera normal et légitime de sa part car c’est comme cela qu’il conçoit sa valeur ajoutée.
  • Comme les choses n’iront sans doute pas aussi vite que si c’est lui qui le fait, je pressens que David va rapidement prendre directement les choses en main. Son souci du service client étant très fort, il sera aussi légitime qu’il agisse ainsi.
  • Dans les deux cas, qu’il fasse faire ou qu’il fasse lui-même, ses collaborateurs vont vite se plaindre de la pression subie ou du manque de délégation. David va alors se trouver en difficulté alors qu’il ne fait qu’exprimer ses talents.

Je partage mon analyse et mes doutes avec le patron et je finis par lui demander s’il n’a pas des idées de nouveaux marchés à prospecter. Le bâtisseur défonceur a besoin de conquérir des nouveaux territoires.

Celui-ci me dit alors qu’il pense souvent à l’Afrique de Nord mais que faute de moyens, il n’a pas encore exploré cette piste.

Je lui réponds qu’il a vraisemblablement la personne adéquate pour tenter une approche de ce marché. Quelques mois plus tard, David, ravi, arpente la Tunisie l’Algérie et le Maroc avec des premiers succès à la clef. De plus, il devient le premier « responsable export » de l’entreprise.

Nicolas MARTIN.

Que retenir de tout cela ?

Ce cas me fait penser au principe de Peter qui veut que tout salarié qui profite d’une promotion, s’expose à franchir son seuil de compétence. Je dirais que lorsqu’une personne utilise et développe son potentiel, il est bon qu’elle puisse trouver un terrain d’expression plus vaste si elle en ressent le besoin. Néanmoins, cette croissance ne doit pas forcément prendre la forme d’une élévation dans la hiérarchie comme c’est trop souvent le cas. Le cas de David illustre qu’il existe d’autres moyens d’offrir une promotion. La réponse est à trouver chez chacun en fonction de son potentiel et de son âge.