Par deux fois déjà, Frédéric avait proposé à Isabelle, directeur R&D, de devenir directeur industriel. Et par deux fois, Isabelle avait refusée.
Pourtant, c’était une belle promotion qui lui était offerte puisqu’il s’agissait d’encadrer non plus 10 personnes mais une usine de plus de 100 personnes.
Devant ce double refus, il propose à Isabelle de faire le point sur ses motivations. C’est à ce moment-là que je la rencontre.
Cela fait 10 ans qu’Isabelle est responsable du service de Recherche et Développement de son entreprise. Je découvre qu’elle aimerait changer, faire autre chose, car elle a le sentiment d’être entrée dans une routine qui lui pèse. Elle est prête à quitter l’entreprise pour pouvoir vivre autre chose ailleurs mais quoi ? A aucun moment, elle ne me parle de ce poste de directeur industriel.
Je la rencontre pour l’aider à identifier ses talents et ses motivations.
Au cours de notre premier entretien, nous évoquons son parcours. Elle me dit qu’elle aurait aimé être infirmière ! Elle aime le contact avec les autres, soigner et faire du bien.
D’ailleurs, ce qu’elle aime dans son travail actuel, c’est de travailler en équipe. A travers mes questions, je la pousse à exprimer le rôle qu’elle aime tenir au sein de l’équipe.
Elle dit aimer communiquer son enthousiasme à son équipe. Elle aime la nouveauté, les découvertes et apprendre en permanence. Elle dit comprendre les personnes de manière intuitive et sait s’adapter à elles. Elle parvient toujours à trouver les mots justes pour les motiver. Elle éprouve une grande satisfaction à faire évoluer les personnes, les mentalités et les organisations. Elle cherche toujours à permettre à chacun de s’exprimer.
Dans son discours, Isabelle révèle un vrai talent d’animateur, dont le souci premier est la cohésion du groupe autour d’un projet innovant.
Je comprends alors que la R&D n’est qu’un prétexte pour exprimer son élan naturel. Elle confirme qu’elle aime le produit sur lequel elle travaille mais que l’essentiel n’est pas là.
Je lui propose alors d’essayer d’identifier plus précisément sa motivation profonde. Qu’est-ce qu’elle aime concrètement apporter aux autres ?
Toujours par des échanges de questions-réponses, Isabelle évoque son souci de vivre une vie équilibrée. Elle m’explique avec assurance que son enthousiasme et la pleine expression de son potentiel dépendent d’une vie équilibrée. Cela est vitale pour elle !
Elle me confie qu’elle a été la première femme de l’entreprise à avoir sollicité un temps partiel à une époque où cela n’était pas courant. Même pendant ses vacances, elle poursuit cette quête du bon équilibre entre activités et repos.
La notion de juste balance entre les différentes activités est d’ailleurs si importante à ses yeux qu’elle aime accompagner les autres dans la recherche de leur propre équilibre personnel. Comme le mécano qui cherche le bon réglage de sa voiture, Isabelle aide les personnes à trouver leur bon réglage.
Quelques temps après la fin du bilan, Frédéric m’appelle. Isabelle vient de sortir de son bureau et elle lui a annoncé, qu’elle serait finalement peut-être intéressée par le poste de directeur industriel. Il me demande mon avis.
Je le renvoie alors à ses propres attentes par rapport au poste. Quelle image se forme-t-il de son directeur industriel ?
Il me rappelle alors le contexte. Son usine vient de vivre plusieurs mois de changements profonds : nouvelle organisation des équipes, réorganisation concrète de l’atelier… Les membres du personnel sont perturbés par ces bouleversements. L’urgence, c’est maintenant de s’occuper des personnes.
Je comprends dès lors les motifs qui ont poussé Isabelle à reconsidérer sa position. Elle a pris conscience qu’elle pourrait peut-être exprimer son élan naturel dans le poste de directeur industriel.
Frédéric confirme sa proposition à Isabelle. Laquelle mettra cependant encore plusieurs semaines avant de donner son accord définitif. En effet, elle doute de son désir à prendre le poste. C’est précisément son attachement à une vie équilibrée qui la détourne de cette opportunité, dans laquelle elle pressent le risque de se retrouver débordée par la tâche.
Frédéric finit néanmoins par la convaincre en lui exprimant sa totale confiance et en lui précisant les raisons objectives de son choix. Elle est choisie pour ses talents d’animatrice et ses convictions personnelles. De plus, il lui promet de l’accompagner dans sa montée en puissance.
Après deux ans dans son nouveau poste, Isabelle a totalement épousé les contours de son poste. Le climat social dans l’usine est excellent. Frédéric constate des équipes qui travaillent mieux ensemble et une efficacité collective qui s’est fortement développée. Isabelle ne parle plus de changer d’entreprise
Nicolas MARTIN.
Que retenir de tout cela ?
A mon sens, ce bilan de talents illustre deux points. Tout d’abord, nombre de personnes sont des managers avant d’être des techniciens. Chaque manager est unique et dispose d’un talent et d’une motivation propres qu’il est important de mettre en adéquation avec les attentes et les besoins de l’équipe qu’il aura à manager. Ce bilan met aussi en évidence l’importance de mettre des mots précis sur le potentiel de chaque personne notamment face à un challenge important. Cela permet de s’assurer que personne ne s’aventure dans un défi sans être taillé pour le relever. D’autre part il n’est pas inutile de noter le rôle prépondérant du N+1 qui accompagne avec confiance la croissance de son collaborateur.
Un mot pour conclure : l’épanouissement professionnel ne tient parfois qu’à un fil…Et en équilibre, donc !
Le témoignage d’Isabelle :
Mes échanges avec Nicolas m'ont permis de prendre conscience que ce qui me plaisait dans mon travail, c'était certes l'aspect technique acquis lors de mes études, mais surtout Mon équipe, Mes hommes : les animer, les faire grandir, assurer la cohésion, travailler en bonne intelligence et dans la bonne humeur. Forte de cette nouvelle conviction, je me suis lancée dans l'aventure. Je n'aurais sans doute pas franchi le pas sans cette prise de conscience et n'aurais pas été ferme dans mon besoin vital de conserver un temps partiel pour maintenir mon équilibre.
Après bientôt 3 ans d’expérience l’équipe a retrouvé son équilibre, les résultats sont positifs et je m’épanouis pleinement dans mes fonctions : Challenge réussie, merci à Fréderic de m’avoir poussé et soutenu.